L'esprit, les mains et l'espace, 2023
« Conserver les histoires, continuer à les faire vivre pour honorer ceux qui nous ont ouvert le chemin.»3.
Les String Figures ont été développé dans différentes régions du monde, très éloignées les unes des autres. Ils ont été préservé là où l’écriture est arrivée plus tardivement.
Il y est question de gestes humains, de liens qui se façonnent entre l’esprit, les mains et l’espace. Les figures sont interconnectés, elles explorent leurs interrelations et activent une forme d’écriture qui raconte le monde dans lequel nous vivons.
Telle une « chaîne opératoire »4, une mémoire du corps, elles composent un langage collectif, une «endless story»5.
Ce projet m’a amené à la rencontre de personnalités d’Alaska, du Québec, d’Écosse et de France qui ont marqué profondément mon approche de la représentation et de la dimension narrative du paysage. Chaque rencontre, chaque voyage a été une étape dans mon apprentissage de cette philosophie et de celles et ceux qui la transmettent encore. « Share stories »!
Les String Figures se développent sur un mode alternatif d’être en relation au monde, aux êtres vivants. Une réponse spéculative de possibles qui piste les résurgences d’héritages, d’actions, d’engagements, de récits.
Ces histoires sont vivantes, en train de s’écrire. « Nous tissons des liens, nous connaissons, nous pensons, nous formons des mondes et racontons des histoires, grâce (et avec) d’autres histoires, d’autres mondes d’autres connaissances, d’autres pensées, d’autres aspirations»6.
Les ensembles photographiques qui résultent de ces 3 années de recherches témoignent de cette philosophie qui a porté ces moments de rencontres et de partages. Des textes, ainsi qu’une vidéo et une piste sonore sont en cours d’écriture pour accompagner ces photographies.
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3. Une phrase extraite d’une discussion avec David Ket’Acik Nicolai, fils d’un chef Yupik, originaire d’Anchorage en Alaska où il vit avec sa famille. L’enseignement des String Figures lui vient de son père et de sa grand-mère. Il le transmet à sa famille, dans les écoles, sur les réseaux sociaux et lors de rencontres à l’international. lI m’aura fallu 2 ans entre nos premiers échanges mails et notre première rencontre à Zürich en Suisse, en 2023, suite à une invitation à le rejoindre à un séminaire au Musée d’Ethnologie de Zürich autour des String Figures.
4. Terme qu’a employé Mareile Flitsch, la directrice du musée d’ethnologie et professeure à l’université au département d’anthropologie sociale et culturelle, pour parler d’une suite de gestes des mains dans la pratique des String Figures. Des gestes qui ont quelque chose d’intuitif, comme issus d’un langage collectif inné qui aurait été développé partout dans le monde. Une technique cognitive, une expression mutuelle de communication, une mémoire du corps.
Extrait de sa conférence au séminaire au Musée d’Ethnologie de Zürich autour des String Figures, 2023.
5. Terme qu’a employé Maggie Napartuk, lors de notre rencontre à Montréal en 2022 au sujet des possibles renouvellement des histoires que proposent les String Figures. Maggie Napartuk est artiste et illustratrice originaire du Nunavik. Elle vit à Montréal avec une partie de sa famille. Ses œuvres parlent de la relation des habitants à leur territoire. Elle raconte des scènes de vie. Elle ne connaît plus les jeux de ficelles mais elle connait leur philosophie : « ce langage est vivant. Il évolue tout le temps il ne sera jamais figé, ni éteint, il est comme la vie, il se renouvèle constamment ».
6. «Vivre avec le trouble », Donna J. Haraway, Les éditions des mondes à faire, 2020, p.221
Photographies de gestes réalisées avec l'ethnologue Sylvie Teveny.
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